Le blog de Fimalac

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Revue des Deux Mondes - Avril 2023 - Extrait

DOSSIER II : PHILIPPE SÉGUIN, UNE HISTOIRE FRANÇAISE

À mon ami Philippe Séguin - Marc Ladreit de Lacharrière

C'est avec beaucoup d'émotion que j'ouvre ce cahier de réflexions qui rassemble des interventions destinées à montrer combien mon ami Philippe Séguin avait su pressentir les temps historiques que nous vivons. Mais, à l'occasion du 80 e anniversaire de sa naissance, c'est à l'ami que je pense surtout. Un ami trop solitaire, très chaleureux, et parfois, je le reconnais, déroutant !

Cette démarche solitaire – je ne l'ai jamais vu au Siècle ! –, son manque de goût pour les réseaux incontournables, son franc-parler, et quelquefois son impatience, auront été la cause de son échec pour les plus hautes fonctions. Ainsi ne parviendra-t-il pas à capitaliser sur l'aura gagnée pendant son extraordinaire campagne référendaire de 1992 ; ou encore durant la campagne pour l'élection de Jacques Chirac en 1995, à l'issue de laquelle il lui revenait, grâce à son rôle déterminant, la responsabilité de conduire le gouvernement. Mais Jacques Chirac le déçut énormément en choisissant son « rival », plus « souple », plus « malléable », plus consensuel : Alain Juppé… Philippe était habité par de nombreux espoirs pour la France. Nous partagions un profond attachement au « gaullisme social », une volonté commune de contribuer à une société plus juste, plus humaniste. Il observa l'effondrement de l'empire de Marcel Boussac. Sa vision du gaullisme s'enrichit de cette expérience de terrain en tant que député des Vosges et en tant que maire d'Épinal, et son attention pour les « exclus, les vaincus, les modestes » ne fut que renforcée. Et lorsque, de mon côté, je créai avec Martine Aubry la Fondation agir contre l'exclusion (Face) en 1993 et, quelques années plus tard, la Fondation culture & diversité, son appui fut total. Pour nous, l'empathie n'est ni de gauche ni de droite ! L'important était de s'engager.

« La République, disait-il, c'est l'audace permise à tous ; ce devrait être même l'audace obligatoire pour tous. » L'audace, nous l'avons toujours partagée à travers nos divers engagements, sociaux pour Philippe, philanthropiques pour moi. Les échanges avec Philippe étaient toujours intenses, sérieux, gais, en fonction de son humeur. Il pouvait passer par des phases de découragement profond suivies de périodes d'enthousiasme euphorique. Sérieux, lorsqu'il parlait de la France, de son avenir, des valeurs de la République à défendre, du rôle de la Nation.

Attristé de la « politicaillerie » des uns et des autres, de leurs petites lâchetés, tellement soucieux de leurs seuls intérêts… Comment aurait-il vécu l'attitude de certains élus qui ont voulu voter contre la réforme des retraites de peur… de ne pas être réélus face à un candidat du Rassemblement national aux futures élections législatives ? Amusé, avec une moquerie amicale, par nos petits camarades, issus de milieux le plus souvent aisés, qui voyaient dans le maoïsme l'avenir radieux de nos sociétés ! Mais nous savions pertinemment qu'ils retrouveraient bien vite le confort douillet des salons parisiens qu'ils avaient quittés, le temps d'une échappée, pour se démarquer.

Ah, ce rire tonitruant ! La Gitane à la bouche et le verre de whisky à la main…

Philippe, tu ne manques pas seulement à ta famille, à tes amis, tu manques à la France. Encore plus dans ces moments de difficultés pour notre pays, où ton engagement, ton bon sens et ton analyse, je le sais, auraient été transformants.

 

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